Louis Charles de Grieu
Un Bénédictin député aux Etats généraux de 1789.
Par Guillaume Tiphagne.
La famille de Grieu.
Louis Charles de Grieu est né à Saint Benoit
d'Hébertôt le 21 septembre 1755. Il est le fils de Charles de Grieu, écuyer (voir la définition),
sieur de Montval et de Catherine Porée. Le lendemain, il est baptisé en notre
église. Il a pour parrain Charles Alexandre comte de Cormeilles et pour
marraine dame Madeleine Françoise Porrée.
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La famille de Grieu est établie depuis longtemps en Normandie; en effet, en 1484 devant le tabellion (voir la définition) de Bernay est passé un contrat de mariage entre Guillaume de Malherbe, écuyer, seigneur de Bouillon et d'Ecorcheboeuf, et une demoiselle de Grieu, fille de Gabriel de Grieu, écuyer , seigneur de Saint-Aubin-le-Vertueux et de dame Catherine Bellanger. Au XVIème siècle, Pierre de Grieu est lieutenant général (voir la définition)de l'élection (voir la définition) de Pont-Audemer. La famille de Grieu se divise au XVIIème siècle en plusieurs branches dont celle des sieurs de Launay, à laquelle appartient Louis Charles de Grieu, qui s'installe au Theil-Nollent [1] en 1634.
Charles de Grieu, le grand-père de Louis Charles est
mentionné en 1729 dans les registres paroissiaux de Saint-Gatien-des-Bois comme
étant un ancien capitaine de carabiniers et chevalier de l'ordre royal et militaire
de Saint-Louis.
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Le 14 novembre 1750, au Theil-Nollent, il y a dispense de
ban pour le mariage de Charles de Grieu, écuyer, seigneur de Montval, veuf de Marie
Viard, fils de Charles de Grieu, écuyer, du Theil-Nollent et de demoiselle Marie
Le Hautier de la paroisse de Saint-Benoit d'Hébertôt; et de Marie
Charlotte Porée, fille de feu Jacques Porée et de Magdeleine Thérèse Le Coudier
de la paroisse des Authieux-sur-Calonne. Le 30 décembre 1759, Marie Anne Porée
décède à Saint-Benoit d'Hébertôt et elle est inhumée dans le choeur [2] de l'église de Saint-Benoit.
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Louis Charles de Grieu a une
soeur dont nous n'avons pas retrouvé l'acte de baptême, mais nous la connaissons
par son acte de mariage. La demoiselle Marie Louise Julie de Grieu épouse le 3
juillet 1775 à Saint-Benoit d'Hébertôt Amand Elie François de Miré, fils de feu
François Jacques de Miré, écuyer et de noble dame Marie Anne Marguerite
(Apparoc ?), dame de Sainte Marie du Theil, demeurant à Canapville.
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Nous n'avons pas retrouvé l'acte de décès de Charles
de Grieu, mais il semble être décédé peu après la naissance de ses deux
enfants. En effet, il est fait mention d'une curatelle pour la demoiselle de
Grieu, exercée par Charles Gabriel Adrien François de Sandret [3].
La famille de Sandret est très liée à celle des de Grieu puisqu'en 1618, François
de Grieu, écuyer, sieur de Saint-Gilles, épouse Marguerite de Sandret, fille de
Hélie de Sandret, écuyer, sieur de Trianon. Louis Charles de Grieu descend de
cette union et possède la terre de Grieu à Saint-Benoit d'Hébertôt détachée de
celle de Trianon lors du mariage de 1618. Lors du baptême d'Antoine de Grieu,
l'oncle paternel de Louis Charles, la demoiselle Catherine Françoise de Sandret
est choisie pour être la marraine de l'enfant.
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Louis
Charles de Grieu : un homme d'église.
Les débuts de la vie de Louis Charles de Grieu restent
flous. Il perd de bonne heure ses deux parents. Il est alors élevé par l'abbé
de la Roquette, et est placé sous la curatelle de Monsieur de Sandret. Il
semble commencé une carrière militaire comme officier d'infanterie, mais il
quitte les armes en 1779 pour devenir un homme d'église. Nous ne pouvons pas
expliquer ce changement d'orientation, peut-être manque-t-il d'argent pour
pouvoir s'acheter une charge d'officier plus intéressante.
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Louis Charles de Grieu choisit la carrière ecclésiastique,
il est élevé par l'abbé de la Roquette. Le 20 mars 1779 Louis Charles de Grieu
reçoit la tonsure (voir la définition). Le 26 juin 1779, Henri Emmanuel Raymond de la Roquette,
prieur commendataire (voir la définition) du prieuré simple et régulier de Saint-Hymer-en-Auge
résigne son prieuré en faveur de Louis Charles de Grieu. L'abbé de la Roquette
avait pris possession du prieuré de Saint-Hymer-en-Auge en 1717. L'abbé se
réserve toutefois une pension d'une valeur de 2 857 livres, 2 sous et 9
deniers, ainsi qu'un logement dans la maison prieurale comprenant les pièces
qui sont au-dessus de l'église et de la bibliothèque avec la cuisine et
quelques chambres de domestiques. Louis Charles de Grieu reçoit de la cour de
Rome ses lettres de provision (voir la définition) en bénéfice le 12 juillet 1779 et l'Evêque de
Lisieux donne son visa aux dites lettres de provisions, donné au château des
Loges le 12 octobre 1779. Louis Charles de Grieu prend possession du prieuré le
14 octobre 1779.
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En 1787, Louis Charles de Grieu est ordonné prêtre
et il demeure toujours au prieuré de Saint-Hymer. L'abbé de la Roquette réside ensuite à Paris, dans
le Marais, rue Portefour; quand celui-ci décède, il fait de Charles Louis
de Grieu son exécuteur testamentaire [4]:
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«La résignation du prieuré de Saint-Hymer que j'ai faite à monsieur l'abbé
de Grieu m'engage à le choisir pour exécuteur testamentaire et à lui léguer une
partie des biens qui se trouvent m'appartenir et dont je fais une disposition
particulière en faveur des pauvres…;m'étant vu depuis parvenu à
l'âge de quatre vingt ans, je pris le parti en 1779 de désigner le prieuré de Saint
Hymer à M. l'abbé de Grieu que j'avais élevé et dont je connaissais les bonnes
dispositions et le mérite. Je crus devoir prendre le parti pour empêcher,
autant qu'il était en moi, que le prieuré que j'avais rétabli ne se trouvât
dans le déplorable état où je l'avais trouvé lorsque j'en avais pris possession.»
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Un bref passage sur la scène politique nationale.
Le 24 avril 1789, Louis Charles de Grieu est élu
député du clergé par le bailliage (voir la définition) de Rouen pour les Etats généraux. La paroisse
de Saint Benoit d'Hébertôt faisait alors parti du grand bailliage de Rouen.
Nous ne savons rien sur son rôle de Parlementaire, et nous ne savons même pas
s'il a rejoint l'Assemblée nationale ensuite.
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Louis Charles de Grieu retourne très rapidement à la
vie privée, il est devenu le dernier prieur commendataire du prieuré de Saint-Hymer,
la Révolution mettant fin au clergé régulier. En 1792, il refuse de prêter le
serment constitutionnel, ainsi que celui de « haine à la royauté et à
l'anarchie.» Pendant toute la durée de la Révolution, il reste à Saint-Hymer
où il n'exerce aucune fonction ecclésiastique et où il cherche à se faire
oublier étant à la fois noble et prêtre insermenté. Il devient après la
Révolution chanoine de Lisieux.
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Louis Charles de Grieu n'est pas un homme fortuné,
il ne bénéfice plus des revenus que lui procuré le prieuré, en 1810, ses
revenus sont estimés par l'administration préfectorale du Calvados à deux mille
cinq francs. En 1814, ses revenus ont augmenté, ils s'élèvent à quatre ou cinq
mille francs, puis il baisse, puisqu'en 1819, ses revenus sont estimés à trois
milles francs. Il vit de ses biens fonciers, en 1820, Louis Charles de Grieu
paye 402,41 francs [5] de
contributions foncières pour ses biens à Saint-Hymer. En 1826, il paye 316,01
francs.
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Sous l'Empire Louis Charles de Grieu est
régulièrement nommé président du collège électoral de l'arrondissement de Pont
l'Evêque. Il est nommé président pour la première fois en l'an XII [6].
Sans être quelqu'un de très important, l'abbé de Grieu est un président
apprécié par l'administration départementale : «homme
d'esprit, son isolement comme célibataire et son peu de fortune lui donnent peu
de consistance. Point de plainte sur sa dernière présidence.» En 1810,
il est toujours président du collège électoral de l'arrondissement, puis il est
remplacé par Joseph Labbey.
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Après avoir participé à la vie politique nationale,
bien que de manière obscure, il participe ensuite à la vie politique locale.
Nous venons de voir qu'il est régulièrement sous l'Empire, président du collège
électorale de l'arrondissement de Pont l'Evêque ; il devient à partir de
l'an IX [7]
membre du conseil d'arrondissement de Pont l'Evêque. A un moment que nous ne
connaissons pas, l'abbé de Grieu quitte le conseil d'arrondissement, il est
remplacé par Dillois qui donne sa démission en 1814. L'abbé de Grieu est à
nouveau membre du conseil d'arrondissement, il est nommé par une ordonnance royale datée du 4 novembre 1814
conseiller d'arrondissement pour Pont l'Evêque. Lors des Cents-Jours et de la
Seconde Restauration, il est conservé par l'administration comme conseiller
d'arrondissement. En 1819, l'abbé de Grieu est devenu président du Conseil
d'arrondissement de Pont l'Evêque. Le 26 septembre 1821, Louis Charles de Grieu
donne sa démission de ses fonctions
publiques par une lettre adressée au Sous-préfet de Pont l'Evêque.
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Louis Charles de Grieu décède à Saint-Hymer-en-Auge
le 24 mars 1836. Il est inhumé dans le cimetière de Saint-Hymer, tout près de
l'entrée de l'église
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Lexique :
Bailliage : ancienne division administrative et
judiciaire sous l'Ancien Régime. La paroisse de Saint Benoit d'Hébertôt
appartenait au grand-bailliage de Rouen et au bailliage secondaire de Pont
l'Evêque retour au texte
Ecuyer : quand ce titre est utilisé dans un
acte de baptême, de mariage ou de sépulture, il indique la noblesse de la
personne, quelque soit son rang dans la noblesse. Il est de même pour
«demoiselle» et «dame» retour au texte
Election : c'est une circonscription financière
sous l'Ancien Régime, administrée par des élus chargés de la répartition de la
taille et des aides, impôts de l'époque. retour au texte
Lettre de provision en bénéfice : elle donne à
celui qui exerce une fonction ecclésiastique, un patrimoine pour subvenir à ses
besoins. retour au texte
Lieutenant général : c'est l'officier de
justice dans un bailliage. retour au texte
Tabellion : officier dont le rôle était de délivré
les grosses des actes reçus en minutes par les notaires. retour au texte
Prieur commendataire : c'est celui qui dirige
le prieuré et en reçoit les revenus. retour au texte
Tonsure : cérémonie liturgique, en présence de
l'évêque, marquant l'entrée d'un laïc dans la cléricature.retour au texte
[1] La commune
du Theil-Nollent se situe dans l'Eure à 8 Km au Nord de Bernay. retour au texte
[3] La famille de Sandret possède le fief de Trianon à Saint-Benoit d'Hébertôt. retour au texte
[4] Le testament de l'abbé de la Roquette a été rédigé le 23 juillet 1788. retour au texte
[5] A la même époque, le revenu annuel d'un ouvrier est inférieur à cinq cent francs. retour au texte
[6] En 1804. retour au texte
[7] En 1800. retour au texte
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